L’économie de marché néolibérale reste l’économie dominante en Asie du Sud-Est, comme dans de nombreuses régions du monde. Elle vise à maximiser le rendement du capital financier au détriment des personnes et de l’environnement, crée systématiquement des inégalités économiques et des injustices sociales et ne peut pas apporter de solution aux crises de la dette, du climat et de la santé.

En juillet 2020, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé à un nouveau contrat social dans son discours lors des conférences Nelson Mandela, considérant que l’ordre socio-économique mondial actuel ne répond plus aux besoins des populations, notamment sur les questions de protection sociale, de santé, d’éducation et de déséquilibres mondiaux.

L’appel du Conseil asiatique de l’économie solidaire à construire des voies vers une économie solidaire transformatrice s’aligne sur l’appel du Secrétaire général des Nations unies en faveur d’un nouvel ordre socio-économique. L’économie sociale et solidaire est une composante importante d’une alternative à l’économie de marché néolibérale. Le Conseil asiatique de l’économie solidaire (ASEC) fait partie d’un effort mondial pour promouvoir l’économie sociale et solidaire. Les partenaires de l’ASEC ont développé trois types de groupes organisés de personnes qui font leur propre chemin vers une économie solidaire transformatrice.

  • Le premier type est constitué de groupes auto-organisés d’agriculteurs, de pêcheurs, de travailleurs de l’économie informelle, de femmes de la base, de communautés indigènes et d’autres personnes ordinaires.
  • Le deuxième type est celui des partenariats entre une organisation de la société civile ou une ONG et un ou plusieurs groupes de personnes locales résidant dans une ou plusieurs communautés.
  • Le troisième type se situe entre une société actionnaire et un groupe de micro et petits entrepreneurs.

Les caractéristiques communes entre eux sont : (1) une gouvernance démocratique, participative, socialement responsable et sensible à la dimension de genre ; (2) l’élévation des valeurs éthiques entre les mains de leurs dirigeants, gestionnaires et membres ; et (3) la mission sociale à triple résultat, ou les trois P : « Personnes » signifie un développement socialement inclusif axé sur la fourniture de protection et de services sociaux ; « Planète » signifie la conservation et la protection de l’environnement ; et « Profit » (vers la « Prospérité ») signifie la durabilité économique et financière. Ce sont les modèles de transformation des organisations de base et/ou communautaires qui nécessitent un plus grand soutien politique et structurel dans l’ANASE.

En 2020, l’ASEC a eu le privilège d’organiser une session plénière en ligne sur l’espace de convergence pour l’économie transformatrice et solidaire (CS-TSE) lors de l’événement du Forum des peuples de l’ANASE 2020. Cet événement se tient consécutivement depuis 2005, l’hôte de 2019 étant la Thaïlande, qui a accueilli 1040 personnes, et l’hôte de cette année est le Vietnam. L’engagement entre l’APF et l’ANASE sera également au centre du forum de cette année, dans un effort pour renforcer la voix des peuples dans la construction d’une communauté ANASE centrée sur les personnes. Le Comité national d’organisation (CNO) du Vietnam a fixé les dates officielles de la Conférence de la société civile de l’ASEAN/Forum des peuples de l’ASEAN (ACSC/APF) du 5 au 7 novembre 2020, qui se tiendra à Hanoi avec des réunions en ligne et en face à face.

Afin d’obtenir des contributions participatives, l’ASEC a organisé pendant plus de deux semaines une table ronde et un atelier sur la souveraineté alimentaire, la résilience de la société et la protection sociale des travailleurs des secteurs informels. La solidarité et la participation des collègues de chaque ASEC ont permis d’aboutir à 3 recommandations :

1. Les États membres de l’ANASE et le Forum des peuples de l’ANASE devraient reconnaître et soutenir les innovations et les pratiques alternatives des communautés vulnérables, des travailleurs du secteur informel, des acteurs de l’agriculture soutenue par la communauté (ASC), des mouvements pour la souveraineté alimentaire, des organisations communautaires et des entreprises sociales qui construisent des communautés résilientes et durables capables de résister à une pandémie, aux catastrophes provoquées par le changement climatique et à d’autres défis. Alors que les gens ordinaires sont victimes de l’économie de marché néolibérale, les organisations populaires sont également capables de développer des alternatives à l’ordre socio-économique néolibéral. Une attention particulière doit être accordée à l’avancement de l’agroécologie et à d’autres mesures qui impliquent un partenariat entre les producteurs et la communauté pour soutenir la mise en œuvre de la souveraineté alimentaire et des systèmes alimentaires locaux durables et la nutrition tout en préservant l’environnement.

2. Pour une ANASE véritablement axée sur les populations, les États membres de l’ANASE et le Forum des peuples de l’ANASE devraient faciliter une interface ANASE de peuple à peuple, de communauté à communauté, où les populations de base sont en mesure de se rencontrer et de collaborer pour créer une solidarité et des échanges transfrontaliers. Ils n’ont pas le sentiment d’être des membres égaux de l’ASEAN. Le secrétariat de l’ANASE doit faire un effort conscient pour fournir des mécanismes participatifs permettant d’engager les communautés de base à créer de nouvelles solutions aux problèmes économiques, sociaux et environnementaux. Une participation et un engagement efficaces et significatifs sont nécessaires. Une économie transformatrice nécessite un partenariat « de personne à personne » et une approche solidaire et multipartite, qui implique un mécanisme de collaboration entre et parmi les groupes auto-organisés, les entreprises sociales, les OSC, le secteur privé, les structures de l’État (en particulier les unités gouvernementales locales), les organisations confessionnelles, les institutions universitaires et d’autres collaborateurs éventuels. Les entreprises du secteur privé, dans l’élaboration de leurs stratégies visant à s’engager dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable, devraient tenir compte des défis existants concernant les droits de l’homme, en particulier ceux des femmes et des enfants, la vulnérabilité des travailleurs de l’économie informelle, les diverses formes d’inégalité, la transparence et d’autres questions de gouvernance. Ils peuvent avoir recours à la cartographie des partenaires des OSC pour mener et réaliser des pratiques commerciales responsables. Le cadre sur les partenariats transformationnels et l’autonomisation économique des femmes pour une reprise inclusive et une reconstruction plus juste parmi les entreprises sociales peut être intégré.

3. En ce qui concerne les crises de la dette, de l’emploi et de la santé qui en découlent dans un certain nombre de pays de l’ANASE, les États membres de l’ANASE doivent mettre en place, en consultation avec la population, des filets de sécurité pour l’économie et une couverture médicale universelle pour la population, en particulier pour les travailleurs de l’économie informelle. Ces filets de sécurité peuvent être mis en place sur la base des principes défendus par le Forum des peuples de l’ANASE : suspension et révision des mesures de libéralisation financière et d’autres mesures économiques ; renforcement de la coopération et de la solidarité entre les pays ; intégration du cadre des partenariats transformationnels et de l’autonomisation économique des femmes en vue d’une reprise inclusive et de la création de partenariats plus équitables ; entreprises sociales, coopératives, PME et autres entreprises inclusives ; et renforcement des liens économiques entre les peuples dans le cadre défini par l’ASEC.

En 2020, le rôle de l’ASEC dans la défense et la promotion de l’ESS dans toute l’Asie s’est considérablement étendu grâce au Forum des peuples de l’ANASE.

Rapport de synthèse par : Dr. Benjamin Quiñones, Jr. (Philippines), Dr Eri Trinurin Adhi (Indonésie), Dr Denison Jayasooria (Malaisie) et Mme Linh Phuong Nguyen (Vietnam) Rédigé par : Chandra Firmantoko (Secrétariat de l’ASEC)