Le 19 mai 2025, le Réseau Intercontinental de Promotion de l’Économie Sociale Solidaire (RIPESS) et le Groupe de Travail Technique sur l’Accès au Financement et le Soutien aux entités de l’ESS du Groupe de Travail Interinstitutions des Nations Unies sur l’Économie Sociale et Solidaire (UNTFSSE) ont organisé un webinaire sur « L’intégration de l’économie sociale solidaire dans la 4ème Conférence Internationale sur le Financement pour le Développement (FfD4)« , en collaboration avec le Réseau Ibéro-Américain de Promotion de l’Économie Sociale et Solidaire (RIFESS)[i], le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique de France, ainsi que le Ministère du Travail et de l’Économie Sociale et la Vice-Présidence Seconde de l’Espagne, et l’Unité Administrative Spéciale des Organisations Solidaires du Ministère du Travail de Colombie. Plus de 250 personnes se sont inscrites à l’événement.

En suivi du paragraphe opérationnel 3 de la Résolution 77/281 des Nations Unies et des paragraphes opérationnels 3 et 5 de la Résolution 79/213 de l’ONU, RIPESS a participé aux comités préparatoires intergouvernementaux via le Mécanisme de financement du développement de la société civile (FfD) (Mécanisme CS FfD) tout au long du processus FfD4. Depuis la précédente FfD3 en 2015, des avancées significatives ont été réalisées, non seulement avec les deux résolutions de l’ONU, mais aussi à travers les résolutions de l’OIT, ainsi que les plans et stratégies de l’ESS adoptés par l’OCDE, l’Union Européenne et l’Union Africaine. La création du réseau RIFESS, par les pays ibéro-américains, renforce encore cet élan. À présent, une occasion unique se présente pour garantir l’inclusion de l’ESS dans le document final et le suivi du FfD4. L’événement a présenté les négociations en cours à la mi-mai, en examinant les progrès réalisés avec les États membres et les organisations de la société civile qui militent pour l’inclusion de l’ESS : les avancées de l’Union Européenne visant à intégrer les contributions de l’ESS dans le texte négocié, les propositions élaborées par RIPESS et adoptées dans le document présenté par le Mécanisme CS FfD, ainsi que les avancées de la Colombie et les efforts de l’Union Africaine pour participer aux discussions. Le webinaire a également été une opportunité de partager des approches concrètes pour élargir de manière optimale le financement de l’ESS, notamment dans les pays en développement, en s’appuyant sur le rapport du Groupe de Travail Technique « Renforcer l’accès au financement et le soutien aux entités de l’ESS : compilation de bonnes pratiques », et la présentation de la note conceptuelle « Mise en œuvre des recommandations des Nations Unies pour le financement de l’ESS : propositions pour une approche organisationnelle intermédiaire ». Les deux documents seront publiés prochainement.

La session a débuté par les observations de la Dre Chantal Line Carpentier, Coordinatrice du Groupe de Travail Technique sur l’Accès au Financement et le Soutien aux Entités de l’ESS de l’UNTFSSE, et Cheffe de la Sous-Division du Commerce, de l’Environnement, du Changement Climatique et du Développement Durable de la CNUCED. Elle a introduit brièvement comment et pourquoi l’ESS peut être un moyen de mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable (ODD) et une source de financement pour le développement. Après cette introduction, Mme Sandra Moreno Cadena, Secrétaire Exécutive de RIPESS, a présenté un aperçu de l’état des négociations et des stratégies que RIPESS a menées au sein du Groupe de Travail Technique, en faveur de la reconnaissance de l’ESS dans le document final du FfD4. En tant que membre du Mécanisme CS FfD, RIPESS a proposé d’inclure les entités et écosystèmes de l’économie sociale et solidaire (ESS), notamment en facilitant l’accès à un financement abordable et au développement des compétences, tout en mettant un accent particulier sur le soutien aux entreprises détenues et dirigées par des femmes. Elle a également abordé les mécanismes adéquats pour renforcer l’ESS, y compris à travers des instruments financiers existants et nouveaux adaptés à toutes les étapes de développement.

Le débat s’est ensuite poursuivi avec les interventions de représentants gouvernementaux, modérées par la Dre Chantal Line Carpentier.

Mme Mónica Colomer, Ambassadrice en Mission Spéciale pour le Financement du Développement du ministère des Affaires Étrangères, de l’Union Européenne et de la Coopération d’Espagne, a félicité les organisateurs pour la pertinence du débat, soulignant son importance dans un contexte opportun. Elle a mis en avant l’ESS comme l’un des outils clés du développement durable et a rappelé sa promotion tout au long du processus du FfD4. Elle a présenté les efforts de l’Espagne pour organiser le FfD4 à Séville, considérant cet événement comme un moment crucial dans une période marquée par un déficit de 4 milliards de dollars pour financer l’Agenda 2030. Elle a également partagé des statistiques clés, précisant que 3,3 milliards de personnes vivent dans des pays où les dépenses liées au service de la dette dépassent celles consacrées à l’éducation ou à la santé. Mme Colomera a insisté sur l’importance du multilatéralisme et de la coopération internationale pour le développement, et a détaillé la Plateforme d’Action de Séville, élément essentiel du suivi du FfD4. Elle a souligné la nécessité d’aller au-delà des indicateurs du PIB et conclu que l’ESS, en tant qu’agenda mondial, pourrait servir de modèle pour rassembler les acteurs à travers des alliances flexibles, au-delà des frontières et des régions, ce qui devrait se refléter dans la volonté politique des États dans les résultats finaux.

M. Jaime Iglesias, Commissaire Spécial de l’Espagne pour l’Économie Sociale, a rappelé la contribution de l’Espagne dans les résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies, ainsi que dans la création du Réseau Ibero-Américain de Promotion de l’Économie Sociale et Solidaire (RIFESS). Il a mis en avant la coopération continue pour promouvoir l’ESS à travers la mise en place de cadres financiers et juridiques pour les politiques publiques dans l’UE. Il a insisté sur l’opportunité unique que représente Séville pour la reconnaissance de l’ESS dans l’architecture financière internationale, avec une double fonction : recevoir et fournir un soutien financier, en favorisant l’établissement de mécanismes spécifiques adaptés à cet objectif.

M. Maxime Baduel, Délégué Ministériel pour l’Économie Sociale et Solidaire au ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique de France, a mis en avant le rôle de l’ESS en matière d’économies inclusives et participatives, de réduction de la pauvreté et de l’informalité, ainsi que sa résilience par rapport aux entreprises conventionnelles. Il a souligné que l’ESS est un moteur clé pour structurer l’innovation sociale dans les territoires. Il a également décrit l’ESS comme un « projet politique », qui favorise la « citoyenneté économique » et constitue une ressource essentielle pour améliorer les politiques publiques. M. Baduel a aussi insisté sur le rôle essentiel que peuvent jouer les Banques Publiques de Développement pour soutenir les écosystèmes de l’ESS, tout en encourageant l’hybridation des financements avec d’autres partenaires.

M. Mauricio Rodriguez, Directeur national de l’Unité administrative spéciale des organisations solidaires du Ministère du Travail du gouvernement colombien et coordinateur du Réseau ibéro-américain des gouvernements pour la promotion de l’ESS (RIFESS), a souligné que le Ministère du Travail a soutenu les engagements envers l’UNTFSSE et les résolutions des Nations Unies. Il a également mené avec succès des consultations avec le Ministre des Affaires étrangères afin d’inclure l’ESS dans les négociations du FfD4. Il a en outre apporté des points de discussion sur le rôle des perspectives de l’ESS pour répondre aux problèmes liés à la migration, aux inégalités, au changement climatique, à la transition énergétique et à la transformation économique vers de nouveaux modèles de développement.

M. Sabelo Mbokazi, Chef de la Division du Travail, de l’Emploi et des Migrations de l’Union Africaine, a fourni des informations indiquant que 400 000 entités de l’ESS en Afrique desservent 15 millions de personnes, démontrant ainsi la nécessité d’un soutien financier. Il a souligné l’importance d’éliminer les barrières structurelles qui limitent leur capacité de prestation, tout en tenant compte de la diversité de leurs modèles économiques.Il a mentionné que l’Union Africaine a adopté une stratégie décennale sur l’ESS, visant à renforcer son rôle à travers tout le continent grâce à un modèle économique centré sur l’humain, la justice sociale et le travail décent. Pour que ce plan soit efficace, un défi majeur reste l’accès à un financement adéquat.

M. Ali Hasan, Conseiller auprès de la Mission Permanente de la République d’Irak auprès des Nations Unies, n’a pas pu assister à la session en raison de l’intense agenda du FfD4 à New York. Cependant, au cours de la session, l’importance du soutien du G77 a été soulignée.

Les présentations ont reflété des avancées significatives et un fort engagement en faveur de l’intégration de l’ESS dans le processus de Financement pour le Développement et la réalisation du Programme de développement durable 2030. Tant cet événement que les différents documents et rapports publiés par l’UNTFSSE et RIPESS témoignent des progrès réalisés. Cependant, ils constituent également un appel à l’action pour que les gouvernements, les agences de l’ONU et les institutions financières soutiennent la reconnaissance de l’ESS dans l’architecture et les mécanismes financiers internationaux renouvelés.

Les interventions se sont conclues avec la présentation de M. Victor Messeguer, Directeur Général Adjoint de la Coopérative Abacus et ancien consultant international sur l’ESS auprès de la CNUCED. Il a exposé les bonnes pratiques de financement des entités de l’ESS, résumé les éléments clés à introduire dans le processus du FfD4, et détaillé la taxonomie des différents mouvements et entités de l’ESS, ainsi que la diversité des cadres légaux existant dans environ 30 pays à travers le monde. Ensuite, M. Yvon Poirier, conseiller spécial sur le plaidoyer et la gouvernance du RIPESS, a présenté un élément clé pour la mise en œuvre des résolutions des Nations Unies sur l’ESS : la création de mécanismes intermédiaires au niveau national, conçus et gérés par des organisations locales et nationales.

Enfin, Mme Simel Esim, Présidente de l’UNTFSSE et Cheffe de l’Unité de l’Économie Coopérative, Sociale et Solidaire de l’OIT, a prononcé les mots de clôture, mettant en avant diverses priorités issues des discussions, qui figurent également dans la Note de politique de l’UNTFSSE : « Financement pour le développement : Libérer le potentiel de l’économie sociale et solidaire« , préparée par le Secrétariat de l’UNTFSSE sous la responsabilité de l’OIT. Elle a identifié cinq domaines prioritaires d’action, visant à : 1) reconnaître l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) aux côtés des PME dans l’agenda mondial du financement du développement; 2) veiller à ce que les banques de développement multilatérales et nationales fournissent des instruments financiers adaptés et renforçant les écosystèmes de l’ESS; 3) favoriser un environnement politique et financier propice, intégrant les institutions de l’ESS dans les stratégies nationales de développement et de transition; 4) étendre le rôle des entités de l’ESS en tant que fournisseurs de services financiers atteignant les communautés marginalisées, en particulier dans le Sud Globa; 5) intégrer l’ESS à la fois dans le document final et les mécanismes de suivi du FfD4, incluant les cadres de suivi, de financement et de reporting.

Le webinaire a réaffirmé un appel fort à l’action adressé aux gouvernements, agences de l’ONU et institutions financières, afin de soutenir la reconnaissance et l’avancement de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) dans les mécanismes financiers internationaux. Seules des politiques inclusives, participatives et intersectionnels, centrées sur les personnes et la planète, permettront d’avancer vers des modèles de développement véritablement durables et équitables. Nous invitons les organisations de la société civile, les gouvernements, les agences de l’ONU et les autres parties prenantes à poursuivre ce dialogue en rejoignant l’événement parallèle, co-organisé par RIPESS, l’UNTFSSE et le Fonds Mondial pour le Développement des Villes (FMDV) lors de la 4e Conférence Internationale sur le Financement du Développement (FfD4) à Séville.

Vous pouvez consulter l’enregistrement complet de l’événement, dans la langue de chaque intervenant ici.

Téléchargez le communiqué de presse en PDF ici.


[i] En janvier 2024, les gouvernements du Brésil, du Chili, de la Colombie, de l’Espagne, du Guatemala et du Mexique ont créé le Réseau Ibero-Américain de Promotion de l’Économie Sociale et Solidaire (RIFESS), auquel ont ensuite adhéré le Costa Rica, Cuba, le Honduras, le Paraguay, le Portugal et la République Dominicaine.