La Journée internationale de la femme est une création relativement récente : elle ne remonte qu’à 1975. La lutte pour les droits des femmes est cependant bien plus ancienne. Et elle a été longue et ardue. Et aujourd’hui elle est toujours aussi pertinente. Et si certains droits sont aujourd’hui pleinement acceptés au niveau international, comme le droit de vote ou le droit d’avoir son propre compte bancaire, ce n’est que la partie visible de l’iceberg.

À l’échelle mondiale, les femmes ont toujours moins accès à l’éducation que les hommes. Elles sont moins bien payées et, dans le monde capitaliste des entreprises, elles ont beaucoup moins de possibilités de gravir les échelons. C’est le fameux « plafond de verre ». Et dans de nombreux cas, leurs droits légaux d’hériter et de posséder des terres ne sont pas respectés, sans parler de leurs droits sexuels et reproductifs. Le monde est encore trop souvent dominé par des systèmes patriarcaux…

Le fait que pendant la crise Covid-19, la violence domestique contre les femmes a doublé (et c’est une estimation prudente, basée sur les statistiques de l’ONU), et que l’OIT a calculé qu’au moins 255 millions d’emplois ont été perdus est également significatif. Mais il ne s’agit là que des emplois formels ; et de nombreuses femmes dans le monde entier se trouvent encore dans le secteur informel. Et ces emplois ont également été perdus. Il y a les chiffres, et puis il y a une réalité beaucoup plus dure.

Mais qu’en est-il de l’économie féministe et des femmes dans l’économie sociale et solidaire ? L’ESS se concentre sur les personnes avant le profit, ce qui correspond bien à l’approche féministe.

Comme l’explique Julie Matthei (2009), « Les femmes ont été des acteurs clés dans la construction de solutions d’économie solidaire et transformatrice aux crises capitalistes, pour trois raisons principales. Premièrement, les femmes sont gravement désavantagées sur les marchés du travail capitalistes en raison de leur accès réduit au revenu familial et à l’éducation, de leurs obligations de soins et de la persistance de la discrimination et du harcèlement sexuels. Deuxièmement, ces mêmes obligations de soins peuvent inciter les femmes à faire preuve d’une extrême débrouillardise lorsque les besoins fondamentaux de leur famille, et notamment de leurs enfants, ne sont pas satisfaits. Troisièmement, la formation des femmes à la prise en charge prioritaire des autres et à la satisfaction concrète de leurs besoins nous conduit souvent à élaborer des solutions économiques distinctes des solutions capitalistes, des solutions qui placent la satisfaction des besoins au-dessus des autres valeurs ».

Bien que les femmes représentent la majorité dans les mouvements d’ESS et contribuent au développement de l’économie partout dans le monde, elles restent invisibles.

Les réalités auxquelles elles sont confrontées sont souvent négligées ou traitées comme périphériques à l’échange initié par les réseaux locaux, nationaux et internationaux de l’économie sociale et solidaire. Étant donné que le secteur public dans différentes parties du monde commence à peine à reconnaître la valeur ajoutée de l’ESS pour le développement communautaire, l’importance de mettre en lumière la contribution et les compétences des femmes dans le secteur de l’ESS permettra de mieux prendre en compte leurs besoins et leurs intérêts.

C’est pourquoi nous avons décidé de rendre hommage à ces héroïnes invisibles, et de présenter huit femmes qui luttent pour un monde plus juste et plus solidaire. Nous savons que ce n’est qu’un petit grain de sable, mais nous croyons vraiment que rendre les femmes plus visibles, valoriser leur travail, réaliser leurs droits humains, économiques, sociaux et environnementaux dans le sens le plus complet du terme est quelque chose qui est soutenu par les concepts fondamentaux de l’ESS.