Les villes et l’Économie Social Solidaire (ESS) ont un rôle déterminant pour favoriser le développement économique local. Ceci est particulièrement important dans les pays africains, tel qu’il a été constaté durant le « Deuxième dialogue politique Afrique de GSEF » qui a eu lieu du 25 au 26 avril à Bamako (Mali) et où le Réseau Malien de l’ESS (RENAPESS) ainsi que le Réseau Africain de l’ESS (RAESS – RIPESS Afrique) ont été des partenaires clés pour son organisation.

Écrit par Gabriel Boichat, RIPESS Intercontinental

La rencontre « Deuxième dialogue politique Afrique de GSEF : l’ESS pour une urbanisation maîtrisée et inclusive des villes africaine » a permit de visibiliser l’importance et l’envergure de l’ESS dans les pays africains. L’ESS est perçue comme l’une des meilleures alternatives pour l’accès des personnes économiquement vulnérables aux services et équipements socio-collectifs de base. Ainsi, grâce aux pratiques inclusives de l’ESS, les populations se sortent elles-mêmes du cercle vicieux de la pauvreté́ et peuvent améliorer durablement leur mode de vie.

Dans la perspective d’établir un développement durable de la région, la rencontre avait pour objectifs faciliter la construction d’une plateforme, permettant un échange régulier d’expériences et de bonnes pratiques dans la co-construction de politiques publiques entre les collectivités territoriales et les acteurs de la société civile ; donner davantage de visibilité et de reconnaissance aux expériences des gouvernements locaux dans le domaine de l’ESS ; et accompagner les gouvernements locaux de la région dans la co-construction de politiques publiques répondant aux besoins et aux demandes des citoyens, entre autres objectifs.

Pour Madani Koumaré, Président du Réseau National d’Appui à l’Économie Sociale et Solidaire du Mali (RENAPESS) et membre du Conseil d’Administration du RIPESS Intercontinental, « le principal enjeu de la rencontre était de convaincre les collectivités qu’elles ont un rôle primordial dans l’ancrage de l’ESS ainsi qu’une responsabilité dans le développement social de l’ESS ». En Afrique, « l’ESS est surtout des jeunes et des femmes, qui sont en marge des opportunités classiques d’accès au crédit ou à l’emploi. L’ESS donne réponse à ça grâce à la mutualisation des forces et des opportunités, en plus des outils qu’elle apporte », rajoute Koumaré.

Par exemple, l’ESS apporte des solutions pour le financement à travers des finances solidaires. C’est ici que la ville de Bamako intervient pour mettre en place des fonds en plus d’accompagner les projets pour rendre viables les entreprises.

Finalement, pour Madani Koumaré, l’autre enjeu de la rencontre était que Bamako, en tant que viceprésidence du GSEF qui développe l’ESS à travers le monde, la ville malienne à comme responsabilité d’engager les collectivités africaines par les villes : « nous devons mobiliser les villes africaines, les mettre en première ligne et assurer un dialogue entre elles de promotion de l’ESS », a-t-il déclaré.

Ainsi, la rencontre a permis de promouvoir une interface entre la société civile et les gouvernements locaux pour influencer les débats depuis le local vers le national et accélérer l’adoption de la part des états des politiques publiques qui conviennent à l’ESS ainsi que d’étendre l’influence politique du GSEF et d’autres entités qui y travaillent depuis longtemps. Selon Madani Koumaré, « il faut mettre le RIPESS au centre des activités de promotion de l’ESS mondiale. Le RIPESS est la structure la plus proche des acteurs réels de l’ESS, une réalité qu’il faut mettre en valeur, par le biais du RAESS, dans les pays en partenariat avec le GSEF ».

Dans ce sens, pour Madani Koumaré ce dialogue sur l’ESS entre les villes africaines doit permettre d’abord d’analyser les problèmes de la région ainsi que les besoins, pour ensuite définir ce que les villes peuvent proposer à travers d’un plan d’actions où soient établis le rôle et les responsabilités de chacun. « Pour les villes, ce dialogue est un véhicule de coopération et de partenariat qui est établi et qui les permette agir. Les villes sont sur le terrain, une condition indispensable pour le développement local. C’est ici que Bamako peut agir avec un appui financier et le support à un partenariat qui appui les dynamiques de dialogue ».

L’exemple de Bamako et du Mali

La capitale du Mali, Bamako, est depuis plusieurs années une référence dans la promotion de l’ESS et la co-construction de politiques publiques en Afrique. Ainsi, aujourd’hui, Bamako est la ville qui représente l’Afrique dans le conseil d’administration du GSEF et le siège du RENAPES, qui est un réseau de référence pour les politiques publiques. D’autre part, le Mali est le seul pays africain qui a une politique nationale de promotion de l’ESS avec un plan d’action et qui est le siège d’un réseau ESS, ce qui marque le contexte travail de la ville de Bamako dans l’ESS.

Mais comment Bamako est devenu un exemple dans la co-construction des politiques publiques de l’ESS ? Madani Koumaré explique qu’ils travaillent avec des acteurs de tous les secteurs : « On travaille sur un territoire où interviennent des collectivités et des citoyens. Donc en premier lieu, il y a un travail d’identification et ensuite d’organisation des entités de l’ESS qui se regroupent au sein de diverses formes d’organisations sociales (coopératives, groupements d’intérêt économique, mutuelles, associations gestionnaires…), si elles en ont l’opportunité, pour pouvoir entreprendre collectivement des activités économiques et professionnelles leur permettant de vivre dignement ».

Pour cela, « il a fallu asseoir une stratégie commune pour accompagner les acteurs de l’ESS et les acteurs informels pour leur transition vers l’économie de l’ESS. Toutes les problématiques de l’urbanisation trouvent solution à travers de l’ESS et de l’informel : assainissement, transport publique, fourniture de vivres des marchés, matériaux de construction, ainsi que l’éducation. C’est pour cela qu’il y a un grand intérêt d’approcher les collectivités pour pouvoir structurer des stratégies communes avec tous les acteurs », tel qu’affirme Madani Koumaré. Et il rajoute : « c’est du gagnant – gagnant car Bamako n’a pas la solution, sinon que ce sont les acteurs de l’ESS qui ont le savoir-faire et les solutions ».

Finalement, il est important de souligner que, depuis 2014, le Mali a un réseau national de parlementaires de l’ESS qui permet d’articuler le dialogue entre les différents acteurs de l’ESS dans le pays et de promouvoir l’engagement des parlementaires dans l’ESS. Cette expérience positive est un instrument important qui peut être adopté dans d’autres pays de la région pour renforcer la présence de l’ESS dans le débat politique.

La Déclaration de Bamako

A l’issu de ce « Deuxième dialogue politique Afrique de GSEF », les élus locaux et représentants de collectivités territoriales, d’organisations de réseaux de l’ESS de 8 pays d’Afrique de l’ouest et centrale ont signé la Déclaration de Bamako qui affirme “qu’une démarche inclusive et globale de promotion de l’ESS incluant tous les acteurs est nécessaire pour un développement durable des territoires”.

La déclaration comporte plusieurs engagements de la part des gouvernements centraux, des collectivités territoriales et des acteurs de l’ESS dans l’optique de visibiliser que l’ESS n’est pas une alternative, mais qu’elle doit devenir la règle. La déclaration permettra donc que toutes les villes travaillent sur ce modèle avec les collectivités territoriales et avec les réseaux de l’ESS pour faire des propositions envers les gouvernements qui permettent le développement des pays dans leur globalités.

Notamment, les signataires de la Déclaration de Bamako s’engagent à élaborer un plan d’action afin de poursuivre les efforts d’information, de communication, de sensibilisation, et de promotion de l’ESS pour son appropriation dans les territoires ; construire et animer un cadre de partenariat multi-acteurs en tant qu’espace d’échange, de partage des bonnes pratiques entre pairs, et de construction de stratégies ; ou développer et mobiliser sans délai des partenariats stratégiques avec les réseaux internationaux de l’ESS et autour des mécanismes des Nations Unies qui promeuvent l’ESS (GSEF, OIF, RIPESS, UN Inter-Agency Task Force on Social and Solidarity Economy, GPIESS…) afin d’accroître les synergies, parmi d’autres mesures pour soutenir la promotion de l’ESS en Afrique.

L’intégralité du texte de la Déclaration de Bamako peut être consultée ici.

Un réseau d’élus et un réseau de ministres de l’ESS pour l’Afrique

Le « Deuxième dialogue politique Afrique de GSEF » a permis non seulement d’augmenter la crédibilité des acteurs de l’ESS, mais aussi de faire venir d’autres réseaux nationaux pour qu’ils s’inspirent des expériences déjà en place et commencer à travailler en tandem avec les collectivités pour que l’ESS soit inscrite dans le travail de tous à niveau national.

En outre, cette rencontre a permis de parler le même langage, d’accorder quelles sont les stratégies pour développer l’ESS pour qu’elle soit là pour éradiquer la pauvreté, pour l’insertion dans l’économie des femmes et des jeunes, ainsi que pour l’appropriation du développement économique dans le territoire.

La rencontre de Bamako a permis de lancer une nouvelle idée de développement sur les principes et les valeurs de l’ESS avec les acteurs de base, les organisations de l’ESS et les autres acteurs comme chercheurs, cadre des administrations publiques et les élus locaux.

Finalement, la rencontre et la déclaration ont prévu la mise en place, d’une part, d’un réseau africain d’élus locaux qui a été annoncé pendant la conférence internationale Pact for Impact à Paris. Le Maire de Bamako a appelé ces pairs avec l’objectif de promouvoir une co-construction des politiques publiques pour l’ESS à niveau des états. Et d’autre part, la mobilisation du ministre malien du développement de l’ESS a été le premier pas pour la création d’un réseau de ministres africains de l’ESS.