La quatrième Conférence internationale sur le financement pour le développement (FpD4) s’est achevée le 3 juillet 2025 avec l’adoption officielle du « Engagement de Séville »et de nombreux engagements et propositions relayés par la Plataforma de Sevilla. Le Réseau intercontinental de promotion de l’économie sociale solidaire (RIPESS), avec ses membres issus d’organisations de base, a co-mené une campagne importante pour promouvoir notre vision transformatrice dans le document final.

Cette campagne a amplifié les revendications centrées sur l’humain de l’économie sociale et solidaire (ESS) et les a transformées en propositions concrètes présentées lors de la conférence. En tant qu’observateur du Groupe de travail interinstitutions des Nations Unies sur l’économie sociale et solidaire (UNTFSSE) et membre de son groupe technique sur l’accès au financement et le soutien aux entités de l’ESS, RIPESS a dirigé ces propositions tout au long de la FfD4, après quatre réunions préparatoires entre août 2024 et juin 2025, qui se sont tenues de New York à Séville. Notre document stratégique a été adopté par l’UNTFSSE et partagé avec les gouvernements d’Europe, d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. Parallèlement, le Mécanisme de la société civile sur le financement du développement a introduit pour la première fois l’ESS dans le chapitre « Cadre mondial » du « Document sur les éléments collectifs », présenté à tous les États membres.

RIPESS, représenté par la secrétaire exécutive, Mme Sandra Moreno, et M. Madani Koumaré, Co-coordinateur général de RIPESS Intercontinental et président du RAESS, Réseau africain pour la promotion de l’économie sociale et solidaire, a participé activement à de nombreux espaces au sein et en dehors de la FfD4, à Séville.

Grâce à sa présence stratégique, RIPESS a fait entendre la voix de l’économie sociale et solidaire (ESS) dans les principaux forums de débat, de plaidoyer et de coordination, réaffirmant son engagement en faveur d’une architecture financière mondiale plus juste, plus inclusive et centrée sur l’humain.

Cet événement parallèle, coorganisé par RIPESS, le Fonds mondial pour le développement des villes (FMDV) et l’UNTFSSE, a bénéficié de la collaboration du ministère du Travail et de l’Économie sociale d’Espagne, de l’Unité solidaire, rattachée au ministère du Travail de la Colombie, et du Réseau ibéro-américain de gouvernements pour la promotion de l’économie sociale et solidaire (RIFESS). La session a été ouverte par un accueil chaleureux de Mme SimelEsim, Chef de l’Unité Coopératives et Économie Sociale et Solidaire de l’OIT, et présidente de l’UNTFSSE. Mme Esim a présenté les principales recommandations du document de politiques de l’UNTFSSE pour la FfD4 : « Financement du développement : libérer le potentiel de l’économie sociale et solidaire». La première table ronde, modérée par Mme Sandra Moreno Cadena, secrétaire exécutive de RIPESS Intercontinental, a ensuite suivi. Mme María AmparoMerino Segovia, Secrétaire d’État à l’Économie sociale d’Espagne, a ensuite souligné l’importance de mettre en œuvre des politiques publiques multifacettes pour promouvoir l’économie sociale, ainsi que la nécessité d’entreprendre des réformes fiscales à l’échelle mondiale. Pour sa part, M. Alioune Dione, Ministre de la Microfinance et de l’Économie Sociale et Solidaire du Sénégal, a abordé le thème « Financement responsable et authentique pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion : l’ESS comme solution et meilleure alternative pour atteindre les ODD». Dans son intervention, il a souligné le potentiel de l’ESS dans l’agenda du développement et le rôle de premier plan du Sénégal. Enfin, M. Mauricio Rodríguez, directeur national de l’Unité administrative spéciale des organisations solidaires de Colombie, a présenté une analyse convaincante sur la manière de faire progresser le financement de l’ESS et de renforcer les alliances pour construire des économies résilientes et capables de réagir.

Lors d’une deuxième session, animée par M. Carlos de Freitas, secrétaire général du FMDV, M. Madani Koumaré, président du Réseau africain de l’économie sociale et solidaire (RAESS) et co-coordinateur du RIPESS, a présenté le modèle MEREF-SDF du Mali et la proposition du RIPESS «Mise en oeuvre des Recommandations de l’ONU sur le Financement de l’Économie Sociale Solidaire : Propositions pour une approche organisationnelle intermédiaire générique.” M. Rodrigo Peñailillo, directeur représentant en Colombie, Banque de développement de l’Amérique latine et des Caraïbes (CAF), a ensuite souligné les progrès importants réalisés par la Banque de développement de l’Amérique latine et des Caraïbes dans la promotion de l’ESS, en mettant l’accent sur les projets développés dans le sud de la Colombie. M. Philippe Akoa, PDG du Fonds Spécial d’Équipement et d’Intervention du Cameroun (FEICOM), qui collabore avec divers réseaux de gouvernements locaux dans son pays pour renforcer l’ESS et soutenir les communautés rurales, est ensuite intervenu. Pour sa part, Mme Fatimetou Abdel Malick, présidente de la région de Nouakchott (Mauritanie), présidente de Cités et gouvernements locaux unis (CGLU)-Afrique, présidente de la Commission permanente sur l’égalité des genres de CGLU et vice-présidente du FMDV, a partagé sa vision de l’interdépendance entre l’avancement de l’agenda économique local en Afrique du Nord et le renforcement des communautés vulnérables grâce à des alternatives économiques durables, centrées sur les personnes, fondées sur la justice sociale et les droits humains. Enfin, Mme Emilia Saiz, secrétaire générale de CGLU, a apporté une analyse à long terme sur l’expansion de l’économie sociale et solidaire, qui pourrait favoriser une véritable transformation face aux crises actuelles grâce à la localisation et à l’interconnexion avec la collaboration de multiples parties prenantes. Mme Moreno a conclu la session en demandant que la réunion parallèle fasse l’objet d’un suivi, en tenant compte des observations finales de Mme Saiz, et en soulignant la nécessité de renforcer l’agenda multilatéral en défendant à la fois une convention des Nations unies sur la fiscalitéet une convention des Nations Unies sur la dette, car elles sont directement liées à l’avancement de l’ESS. Aucune réalisation de l’ESS  n’aura de vision à long terme sans le soutien d’une coopération fiscale mondiale solide et d’une restructuration de la dette souveraine.

RIPESS a été invitée à participer à l’Assemblée mondiale des gouvernements locaux et régionaux, convoquée par le Global Taskforce des gouvernements locaux et régionaux et facilitée par CGLU les 30 juin et 1er juillet. Mme Sandra Moreno, secrétaire exécutive du RIPESS, a participé à la session« Appel à un multilatéralisme en réseau et à une gouvernance financière mondiale inclusive » aux côtés de M. Dada Morero, maire exécutif de Johannesburg, Mme Fatimetou Abdel Malick, présidente de la région de Nouakchott (Mauritanie), présidente de CGLU-Afrique, présidente de la Commission permanente sur l’égalité des genres de CGLU et vice-présidente du FMDV, et M. Carlos Martínez, maire de Soria (Espagne) et envoyé spécial de CGLU pour le Nouveau Programme pour les Villes.

Le RIPESS a participé à l’événement « Financer le développement économique local pour une croissance durable et inclusive », organisé par l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels (GI ESCR), qui a réuni des responsables politiques, des experts internationaux et des défenseurs de la société civile pour aborder les intersections entre les finances, les droits humains, les services publics et les soins. Sa directrice exécutive, Mme Camila Barretto Mai, a pris la parole lors de l’introduction pour souligner l’importance de l’ESS pour faire passer les solutions issues de la base à l’ordre du jour des instances financières et de développement. Le RIPESS a également participé au Forum féministe pour et au-delà de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FpD4) : Vers un système économique fondé sur les soins, la justice et l’égalité. Cet espace a été convoqué juste avant le Forum des Organisations de la société. Civile (OSC) et les sessions officielles de la FfD4. Il est devenu un espace puissant où des défenseuses féministes, des militantes, des chercheuses et des organisatrices de toutes les régions se sont réunies pour affiner leurs positions collectives, forger des stratégies unifiées et affirmer une voix féministe forte au sein et en dehors du processus de financement du développement, ainsi qu’un financement juste et transformateur en matière de genre pour TOUTES, en particulier pour le Sud global, et une révision complète de l’architecture financière mondiale. Le Forum féministe a brandi le « drapeau rouge » lors de la FfD4, exigeant la justice, des réparations et une économie transformatrice en matière de genre, de l’annulation de la dette à la justice fiscale, de la démilitarisation aux services publics féministes. Dans sa déclaration finale, le forum féministe a appelé à « soutenir l’économie sociale et solidaire (ESS) comme alternative démocratique et féministe aux modèles de croissance extractifs, et à reconnaître et investir dans les acteurs de l’ESS, y compris les coopératives, les entreprises communautaires et les collectifs informels de femmes, qui placent les soins, l’équité et la durabilité au centre de leurs activités et de leurs résultats ».

RIPESS a également participé au Forum de la société civile FfD4, qui s’est tenu les 28 et 29 juin. La déclaration finale a abordé plusieurs préoccupations au milieu de la déception suscitée par « le manque de transparence et de responsabilité du processus, qui a exclu la société civile de l’accès au texte attribué, ainsi que des dernières séries de négociations. Cette fermeture de l’espace civique s’est poursuivie jusqu’à la Conférence de Séville, où la participation de la société civile a été marginale et symbolique ». La déclaration reconnaît, dans le cadre d’un nouveau cadre de financement mondial : « Nous devons également soutenir des modèles alternatifs d’activité économique qui donnent la priorité aux besoins de la communauté et aux droits des générations présentes et futures plutôt qu’aux profits des entreprises. Cela inclut l’économie sociale et solidaire, dans laquelle les coopératives, les organisations mutuelles et d’autres initiatives communautaires jouent un rôle plus important dans la prestation de services et la création d’emplois ». Toutefois, la déclaration a exprimé sa profonde préoccupation face au fait que  l’Engagement de Séville n’offre pas de solutions adéquates face à l’incapacité du système financier mondial actuel à « faire face aux inégalités croissantes, à la crise de la dette, à l’effondrement climatique et écologique et é l’insuffisance chronique du financement  des services publics qui touchent des milliards de personnes, en particulier dans le Sud ». La réduction continue de l’aide publique au développement (APD) et les progrès ambigus vers le renforcement d’un accord-cadre des Nations unies sur la dette souveraine et d’un accord fiscal des Nations unies, abordés par la FfD4, figurent parmi les principaux points soulevés par la société civile tout au long du texte et lors des différents panels organisés pendant les deux jours. Réaffirmer le droit au développement et faire progresser les réformes internationales pour relever les défis systémiques et les disparités structurelles est essentiel pour la mise en œuvre future de l’agenda duFfD. Pour que l’ESS soit incluse dans un agenda multilatéral inclusif, nos solutions de financement doivent être systémiques, intégrées et équitables.

En tant que nouveau membre de l’Alliance mondiale pour les soins, RIPESS était également présent au Pavillon des soins, dans la Casa de la Provincia, ancien siège de la Conseil provincial de Séville. L’Alliance mondiale pour les soins a promu le Pavillon avec le soutien du ministère espagnol de l’Égalité, du àConseil provincial de Séville et du Fonds andalou des municipalités pour la solidarité internationale (FAMSI). Ce fut un espace central pour la réflexion, le dialogue, le plaidoyer politique et la coordination des efforts visant à faire du financement des soins une priorité structurelle dans les agendas de développement économique et social à l’échelle mondiale. Nous avons été invités à débattre des éléments les plus pertinents de l’ESS lors de l’événement « Financement du développement économique local pour une croissance durable et inclusive », aux côtés de Mme María Guijarro, secrétaire d’État à l’Égalité du gouvernement espagnol ; M. Francisco Reyes, président du FAMSI ; M. Iñigo Arbiol, sous-directeur du Secrétariat de la Coalition locale 2030 ; et Mme Ana B. Moreno, secrétaire technique de l’Alliance mondiale pour les soins. L’événement avait pour objectif de contribuer à l’ODD 4, en réaffirmant le rôle essentiel des territoires dans la réalisation des objectifs de développement mondial et en mettant l’accent sur les soins comme axe transformateur du modèle économique et social. Reconnaître le travail de soins, rémunéré ou non, comme une composante centrale du développement économique local implique d’avancer vers une économie plus équitable, inclusive et centrée sur les personnes.

Le dernier jour, Mme Andrea Rodríguez, de RIPESS Europe, et Mme Antonia Ávalos et Mme Lina Marcela Rincón, de Mujeres Supervivientes, notre partenaire local à Séville, ont organisé un événement en deux parties sur les nouveaux récits issus des soins et de l’ESS au Pavillon des soins. Une performance intitulée « Corps en réseau, connexion, soins et écoute partagée », organisée par Mujeres Supervivientes, et une conversation intitulée « Nouvelles narrations issues des soins et des économies solidaires : nous prenons soin, nous avançons ! », organisée par RIPESS, RIPESS Europe et Mujeres Supervivientes.

M. Jaime Iglesias, commissaire spécial pour l’économie sociale au ministère du Travail et de l’Économie sociale de l’Espagne, a mentionné à deux reprises le soutien et la collaboration de RIPESS lors d’un événement parallèle officiel à la FfD4. Cette reconnaissance représente l’une des principales réalisations de la résolution 79/213 et de notre plan de travail. Au nom de RIPESS, nous tenons à exprimer notre gratitude au gouvernement espagnol pour sa collaboration, en particulier à Mme. Yolanda Díaz, qui a dirigé l’équipe du ministère qui a soutenu l’inclusion de l’ESS dans l’agenda multilatéral ces dernières années, y compris le processus de la FfD4. Nous saluons également les efforts significatifs des gouvernements français et luxembourgeois dans le cadre de l’Union européenne. En Amérique latine, le RIPESS a introduit l’ESS dans l’agenda de la FfD4 lors du forum ECOOVIDA qui s’est tenu en octobre 2024 en Colombie, parallèlement aux négociations de la COP16 de la Convention sur la diversité biologique. Afin de préparer le terrain pour le soutien colombien, nous avons collaboré avec l’Unité des organisations solidaires, le ministère du Travail et le ministère des Relations extérieures, qui ont pris un engagement important pour inclure l’ESS dans le résultat final. La Colombie et le Chili ont été des acteurs clés dans la promotion et la défense de l’ESS lors des négociations de la FfD4, aux côtés de l’Union européenne. Nous remercions également les gouvernements du Brésil et de la Bolivie pour leur soutien. Par ailleurs, alors que l’Union africaine a adopté sa stratégie décennale sur l’ESS en août 2024, le Sénégal a mené le processus d’intégration de l’ESS dans l’agenda multilatéral et a activement soutenu les progrès réalisés à Séville. Un soutien important a également été reçu de la Zambie et du Kenya.

Principaux résultats pour l’ESS dans le FfD4

Ces efforts concertés avec les alliances gouvernementales du Nord et du Sud, malgré un contexte de négociation très tendu, ont conduit à l’inclusion dans l’Engagement de Séville des clauses suivantes sur l’ESS :
Directement :
Section I. Un cadre mondial renouvelé pour le financementdu développement
: Paragraphe 21. « Nous investirons dans les secteurs productifs, la création d’emplois décents àgrande échelle et l’acquisition de compétences pour permettre à toutes les personnes de bénéficier d’une croissance économique inclusive, équitable et durable. Nous […] faciliterons la croissance des microentreprises etdes petites et moyennes entreprises, des coopératives et de l’économie sociale et solidaire[…] ».
Sous la section II.B. Entreprises privées et secteur financier nationauxet internationaux : Paragraphe 32.h) : « Nous préconisons l’apport d’un appui aux entités de l’économie sociale etsolidaire, y compris sous la forme d’une aide financière et non financière adaptée dela part des institutions financières locales, nationales et internationales ».Et indirectement, pour les pays qui ont déjà intégré l’ESSdans leurs priorités et leurs plans nationaux, mais qui ont besoin d’un soutien financier extérieur : dans la section II.A. Ressources publiques intérieures, paragraphe 30.b) : « Nous engageons les banques multilatérales de développement et les partenaires de développement à renforcer l’appui financier et technique qu’ilsdonnent aux banques publiques nationale de développement de sorte que celles-ci puissent fournir des financements à long terme et à moindre coût en faveur dudéveloppement durable. Nous engageons également les banques multilatérales de développement et les autres institutions de développement à travailler comme un système d’un seul tenant en renforçant la coopération et la coordination avec les banques nationales de développement, à l’appui des priorités et des plans nationaux ».

Les engagements en faveur de la création d’emplois décents à grande échelle, de l’investissement dans l’économie des soins, de la reconnaissance et de la redistribution du travail domestique et des soins non rémunérés effectués par les femmes, ainsi que de la promotion de la formalisation de l’économie informelle et des mesures visant à élargir la couverture de la protection sociale ont également constitué des avancées importantes. L’ESS a démontré le rôle important qu’elle peut jouer dans le renforcement des politiques publiques susceptibles d’améliorer ces piliers et de promouvoir l’agenda durable.

Ces avancées ont renforcé l’engagement de notre réseau à établir de nouvelles alliances pour promouvoir la mise en œuvre de l’ESS, tout en conférant un sentiment d’urgence accru à la nécessité d’explorer de nouvelles façons d’aborder notre travail et les revendications des travailleurs dans une perspective macroéconomique tournée vers l’avenir. Notre expérience au sein de la FfD4, ainsi que notre engagement envers la société civile et les gouvernements nationaux et locaux, nous ouvrent la voie pour examiner comment l’ESS peut être liée à la politique macroéconomique et l’importance de nouveaux paradigmes économiques. Pour que l’ESS renforce le multilatéralisme, il est également nécessaire de dépasser les frontières thématiques et de relier, de jeter des ponts et de soutenir d’autres processus actuels, tels que le traité contraignant des Nations unies sur les entreprises multinationales et les droits de l’homme, le droit au développement, la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales- UNDROP et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones – UNDRIP et d’autres procédures spéciales relatives aux droits de l’homme. Cela nécessite d’élargir notre imagination politique sur la manière dont les économies transformatrices peuvent être essentielles pour promouvoir les importantes réformes financières structurelles  nécessaires à la réalisation de notre programme mondial en matière d’ESS.