Du 24 au 28 mars 2015, une délégation de différents réseaux continentaux du RIPESS était à Tunis pour participer au Forum social mondial. La défense des droits et de la justice sociale et environnementale, la protection des territoires et des biens communs, ainsi que la convergence des processus de construction d’alternatives et des résistances à l’approfondissement d’un modèle de développement néolibéral déprédateur ont figuré parmi les thèmes centraux de cette deuxième édition du FSM à avoir lieu en Tunisie.

Le RIPESS a co-organisé pendant le FSM plusieurs espaces de mise en commun d’expériences et de réflexion. Un atelier sur la construction de systèmes alimentaires locaux co-organisé avec Habitat International Coalition, Urgenci et la Via Campesina, un atelier sur l’ESS et les Objectifs de développement durable (ODD) animé avec Enda Tiers-Monde, ainsi qu’une assemblée de convergence sur l’agenda international du développement post-2015 à laquelle ont participé des représentants d’une trentaine d’organisations de la société civile ont eu lieu. RIPESS Europe a par ailleurs animé un atelier sur la construction de convergences entre les acteurs de l’économie sociale solidaire et les mouvements sociaux.

 

Reconquérir des systèmes alimentaires locaux : quelles convergences pour l’ESS, le droit à la ville et la souveraineté alimentaire?

L’atelier « Reconquérir des systèmes alimentaires locaux », co-organisé par le RIPESS, Habitat International Coalition, Urgenci et la Via Campesina, a permis d’échanger sur les liens entre la plate-forme du Droit à la Ville, le mouvement pour la souveraineté alimentaire et l’économie solidaire. Les intervenants ont présenté différentes expériences organisationnelles visant une transformation structurelle des systèmes alimentaires locaux et régionaux dans l’optique de modes de production et de distribution des aliments plus durables, améliorant l’accès à la nourriture dans les milieux urbains et ruraux. Plusieurs expériences concrètes ont été présentées, notamment des exemples de mise en pratique des cadres du Droit à Ville et la Production Sociale de l’Habitat et de l’Agriculture Soutenue par la Communauté, ainsi que diverses expériences d’agriculture urbaine, de potagers et lotissements communautaires, de coopératives de travailleurs et travailleuses, de marchés paysans et de fonds solidaires.

 

Agenda du développement post-2015 : l’ESS, une approche clé du développement durable

Dans le contexte d’une année importante pour la reconfiguration de l’agenda international du développement post-2015, deux des activités organisées par le RIPESS ont porté sur le potentiel de l’économie sociale solidaire pour la transition globale vers le développement durable. L’atelier sur l’ESS et les Objectifs post-2015 , animé en collaboration avec Enda Tiers-Monde, a permis de réaffirmer l’importance d’un processus transparent et de la participation des communautés locales dans la définition de leur propre développement. Une cinquantaine de personnes ont participé à l’atelier pour discuter des enjeux liées aux négociations intergouvernementales et des propositions de l’économie sociale solidaire comme moteur de la construction d’économies plus justes et respectueuses des limites écologiques de la planète. Les pratiques de l’ESS, avec leur forte diversité et leur ancrage local, ont un potentiel considérable pour résorber les inégalités, créer des emplois décents, hausser l’accès aux besoins de base tels que l’alimentation, le logement, la santé et l’éducation, ou préserver les biens communs. Néanmoins, des défis demeurent pour faire reconnaître la plus-value des pratiques de l’ESS pour le développement durable au niveau global et canaliser des fonds nationaux et internationaux vers les acteurs de l’ESS.

Yvon Poirier, du Réseau canadien pour le développement économique communautaire (RCDÉC), membre de RIPESS-Amérique du Nord, a présenté diverses avancées et défis dans la promotion de l’ESS comme modèle alternatif de développement auprès des institutions internationales, notamment dans le cadre du travail du RIPESS avec le Groupe de travail inter-institutions de l’ONU sur l’ESS (TFSSE). Rappelons que la TFSSE, qui rassemble des représentants de 19 agences de l’ONU et des membres observateurs dont le RIPESS, publiait en 2014 son document de position sur « L’économie sociale et solidaire et le défi du développement durable » (disponible en anglais, espagnol et portugais). Yvon Poirier a aussi rappelé les recommandations de l’ESS sur l’agenda post-2015, publiées à la suite d’une consultation globale menée par le RIPESS auprès de ses membres en 2014 et endossées par près de 500 organisations de 67 pays différents et présentées le 3 juillet 2014 au Forum politique de haut niveau des Nations Unies à New York.

Jean-Philippe Thomas de Enda Tiers-Monde a pour sa part rappelé les lacunes des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et du cadre global adoptés en 2000. Entre autres, le fait de se référer à des indicateurs globaux masquant des inégalités internes, une « politique du chiffre » accordant la priorité aux indicateurs quantitatifs et financiers, ainsi que le manque de consultation et le fait d’isoler la pauvreté des mécanismes qui participent à la créer ont limité leurs réalisations. Ces problèmes dans la conception même des OMD ont généré un cadre peu participatif, non universel et globalement limité pour participer à une réelle amélioration des conditions de vie des populations.

La délégation du RIPESS lors de l’Assemblée de convergence

L’Assemblée de convergence « l’Agenda post-2015: quel développement, pour qui et pour quoi? » co-organisée par le RIPESS avec Enda Tiers-Monde, ATTAC, Social Watch, IBON International, Plataforma 2015 y más, Our World is Not for Sale et LDC Watch, a rassemblé plus de 30 organisations de tous les continents. Ce fut l’occasion pour les groupes de partager leurs perspectives sur les ODD et le cadre du Financement du Développement (FdD) afin de s’informer mutuellement et de proposer des pistes d’action communes.

Les organisations, mouvements et campagnes globales présents à l’assemblée ont réaffirmé la nécessité d’un processus de définition, adoption et mise en œuvre des Objectifs faisant une place importante à la société civile, et l’importance d’une transformation systémique du modèle de développement. Les groupes ont aussi pris position contre la marchandisation de l’agenda international du développement durable et l’approfondissement de l’implantation du néolibéralisme avec la négociation de nouveaux accords commerciaux tels que le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), l’Accord de partenariat transpacifique (TPP) et l’Accord sur le commerce des services (ACS).

Dans la Déclaration publiée suite à l’Assemblée, les groupes ont notamment réaffirmé que :

  1.  Les Objectifs de développement durable (ODD) doivent se fonder sur le cadre des droits humains et être des objectifs globaux, non seulement des objectifs pour le Sud.
  2. Il y a une contradiction fondamentale entre l’objectif du développement durable et les accords commerciaux internationaux qui détruisent les fondements de leur réalisation et privent les peuples de la souveraineté nécessaire pour décider de leur propre développement.
  3. Un agenda politique fort assorti d’une volonté politique et d’engagements clairs et légalement contraignants est nécessaire, non un programme technocratique.
  4. Nous aurons un programme commun de mobilisations et d’alertes, et travaillerons à connecter nos efforts avec ceux de l’ensemble des mouvements réunis au Forum social mondial de Tunis de 2015.

Le compte-rendu complet de l’assemblée peut être consulté en ligne.